
Les nouveaux packaging ont été publiés sur Twitter cette semaine
Directeur général depuis l’été 2013 d’Isla Mondial, société spécialisée dans la charcuterie halal, Karim Acherchour nous a accordé une interview. Où l’on apprend que la marque est en constante progression, au point de devoir faire face à des ruptures de stocks, et qu’elle s’est lancée dans l’innovation et la recherche et développement.
Al-Kanz : Vous êtes depuis juillet 2013 le nouveau directeur général de la société Isla Mondial, après plusieurs années chez Red Bull. Pourquoi avoir quitté cette société en pleine croissance pour une société dont le positionnement est tout autre ?
Karim Acherchour : La réponse est presque dans votre question : l’envie de nouvelles aventures. Après avoir lancé et développé Red Bull en pleine croissance aujourd’hui comme vous le soulignez, j’avais besoin de me renouveler au travers de nouveaux enjeux et de nouveaux challenges. Il faut croire que j’aime cela !
Al-Kanz : Isla Mondial est désormais certifié par l’organisme de contrôle et de certification AVS. L’officialisation de ce partenariat date seulement du mois de novembre 2013, soit cinq mois après votre arrivée. Pourquoi ce qui a été appelé « l’étape transitionnelle » a duré autant de temps ?
Karim Acherchour : C’est une question très intéressante. Chacun définit un timing dans sa propre échelle temporelle. Dans notre cas, il y a eu le temps de l’officialisation, certes, mais aussi en amont, un long et rigoureux travail de préparation organisationnelle et structurelle, qui a permis la mise en place de ce partenariat. Par ailleurs, Isla Mondial et AVS ont un point de convergence : la rigueur. Nous opérons sur un marché sensible à tout point de vue, marché dans lequel la rigueur est un facteur essentiel et déterminant à la réussite d’un projet ou d’une transition stratégique ; comme cela a été le cas dans la mise en place de notre partenariat avec AVS.
Al-Kanz : En France, seuls trois organismes de contrôle assurent la présence de contrôleurs indépendants sur les sites d’abattage et de production (Achahada, ARGML-mosquée de Lyon et AVS). D’un point de vue purement industriel et économique, il est plus rentable de pratiquer l’abattage mécanique sans contrôleur indépendant sur place (à l’instar de Doux, Tilly-Sabco, Shems, Carrefour halal, Vanobel, etc.). Il était tentant de faire comme Carrefour halal, Fleury Michon ou encore Reghalal et de vous contenter d’une signature sans la contrainte des contrôleurs ni celle de l’abattage manuel, non ?
Karim Acherchour : Effectivement, mais de quel contentement parlons-nous ? Celui qui revêt la dimension économique ou celui de l’éthique. Ou les deux ? Je me garderais bien de porter quelques jugements de valeur sur les différentes pratiques d’abattage et contrôles utilisés par certaines entreprises. A chacune ses convictions et ses responsabilités.
Même si en tant qu’entreprise Isla Mondial n’a pas de vocation philanthropique, elle se devait de répondre aux exigences religieuses en la matière et donc de surcroît aux attentes légitimes des consommateurs. C’est que je me suis hâté d’élaborer dès mon arrivée, notamment au travers de la mise en place d’une certification rigoureuse et sérieuse, quand bien même cela a nécessité de longs mois de travail. La mise en place d’une certification « sérieuse » nécessite une approche quasi chirurgicale sur une multitude de paramètres.
Al-Kanz : Comment situez-vous votre marque dans le marché du halal alimentaire en général, de la charcuterie halal en particulier ?
Karim Acherchour : Comme une marque connue en phase de devenir reconnue. Il y a une réelle différence entre les deux. Connue par sa marque, son identité et sa distribution, mais pas reconnue par son savoir-faire. C’est ce savoir-faire que nous allons faire savoir par l’ensemble des terrains et vecteurs de communication existants, mais surtout par l’adhésion et la confiance croissante de nos consommateurs.
Al-Kanz : S’agissant de la charcuterie, toutes les marques en place aujourd’hui proposent à-peu-près les mêmes produits. Est-ce une fatalité ou peut-on espérer un jour voir de la nouveauté ?
Karim Acherchour : Le marché de la charcuterie halal a mécaniquement suivi par mimétisme le marché de la charcuterie conventionnelle. Dans un but justifié et honorable de répondre aux attentes et aux besoins d’une clientèle musulmane, qui devient par ailleurs de plus en plus exigeante. Pas seulement en terme de certification, mais aussi en terme de variété de produits, de plus en plus axée sur la qualité.
C’est ce dernier point qui sera de mon point de vue le prochain – noble – défi. Ne pas être suiveur, mais précurseur…
Al-Kanz : Question subsidiaire que nous ne pouvons ne pas vous poser. Vous venez de l’univers Red Bull, marque qui a su s’imposer, malgré bien des obstacles – on se souvient de la polémique Bachelot – grâce à un positionnement commercial et un marketing différencié, malgré une offre monoproduit. Faire véritablement la différence aujourd’hui sur le marché du halal consisterait déjà à proposer des produits bien plus qualitatifs. Est-ce que le nouveau venu Karim Acherchour relèvera le défi d’une charcuterie halal plus qualitative ?
Karim Acherchour : Pas seulement Karim Acherchour (sic), mais l’ensemble des acteurs de la charcuterie halal. Pour ce qui nous concerne chez Isla Mondial, nous avons toujours axé notre travail de charcutier sur la qualité des produits. Notamment avec les parties les plus nobles des volailles par exemple. Nous sommes l’un des rares charcutiers, à avoir l’appellation « jambon de dinde ».
Autre exemple : la qualité de nos saucissons secs tient entre autre à notre processus particulier d’étuvage et séchage de nos produits. Ne comptez pas sur moi pour vous livrer nos secrets…
Nous pourrions gagner en temps et en coût en nous passant de ces traditions charcutières qui ont fait leur preuve, mais la qualité prime avant tout. Les consommateurs y sont très sensibles.
Enfin, il est vrai aussi que tout est perfectible et à ce titre Isla Mondial continuera à mettre tout en œuvre afin de proposer des produits innovants et de qualité. Je vais vous livrer la moitié d’un scoop, nous travaillons actuellement avec notre département qualité et R&D [recherche et développement NDLR] à de nouveaux produits s’inscrivant dans l’innovation et en rupture avec ce qui se fait sur le marché.
Al-Kanz : Quel regard portez-vous plus généralement sur le marché du halal ? Quelle est selon vous la marge de progression de ce marché en France ?
Karim Acherchour : Un regard optimiste et attentif en même temps. Optimiste, car le marché n’a pas encore atteint sa vitesse de croisière, ce qui promet encore de belles perspectives, même s’il donne l’impression d’être atomisé au regard de toutes les marques existantes. Attentif, car je pense que nous arriverons dans les toutes prochaines années à une rationalisation inéluctable du nombre d’intervenants, qui sera arbitré par la communauté musulmane qui est la seule juge de paix.
Al-Kanz : Dans la grande distribution, les ventes de produits halal se tassent. Certaines enseignes se plaignent d’invendus. Trop de produits leur restent sur les bras, d’où du reste les démarques régulières que l’on observe dans le rayon halal des hypermarchés. Est-ce qu’Isla Mondial échappera à la règle ?
Karim Acherchour : Les invendus et autres démarques sont des signes critiques de la progression d’une marque. Elles peuvent s’expliquer aussi par une mauvaise gestion des commandes versus les rotations de produits en linéaire, souvent liées a une surpondération de la part de linéaire par rapport à la part de marché d’une marque. Plus clairement : il y a parfois trop de produits dans le rayon par rapport ce que les consommateurs achètent vraiment. Cela peut aussi s’expliquer tout simplement par des produits de mauvaise qualité.
Fort heureusement, al-HamduliLlah, nous ne rencontrons pas ce genre de problème. C’est même le contraire, puisque nous faisons face à des problèmes de ruptures du fait d’une part de la demande croissante et en constante évolution de nos produits, d’autre part aux nouveaux marchés que nous gagnons. Nous avons dû, et c’est tant mieux, muscler notre organisation à différents niveaux pour palier cela.
Al-Kanz : Dans ce contexte très agité, comment comptez-vous dans les prochaines semaines et les prochains mois positionnez votre marque pour in fine tirer votre épingle du jeu ?
Karim Acherchour : De manière simple et cohérente : développer notre esprit de conquête, en respectant nos valeurs et notre éthique musulmane.